9,5
MILLIARDS DE DOLLARS D'ECONOMIE PAR AN GRACE A UN NOUVEAU
PROTOCOLE SUR LE SOUFRE!
4 septembre 1997
" D'après les estimations
effectuées par les experts de l'Impérial Collège de Londres,
le nouveau Protocole de la Commission économique des Nations
Unies pour l'Europe (CEE-ONU) sur les émissions de soufre
devrait permettre d'économiser 9,5 milliards de dollars par
an en Europe grâce à la diminution des dommages causés aux
bâtiments. C'est une occasion que les pays ne peuvent pas se
permettre de manquer ", déclare Lars Nordberg,
directeur adjoint de la Division de l'environnement et de
l'habitat. Une étude récente1 soumise au Groupe de
travail de la CEE-ONU sur les effets de la pollution
atmosphérique et publiée par l'Agence suédoise de protection
de l'environnement est basée sur des données empiriques
collectées dans l'ensemble de la région. Ces 9,5 milliards
de dollars ne tiennent compte que des économies qui pourraient
être réalisées sur l'entretien des bâtiments, mais le
Protocole aura également des effets bénéfiques sur la santé
et l'environnement dans son ensemble, ce qui permettra des
économies bien plus grandes encore.
D'après cette étude, il apparaît aussi que
les économies qui pourront être réalisées seront plus
importantes dans les pays d'Europe de l'Est que dans ceux
d'Europe de l'Ouest. La Pologne, la partie orientale de
l'Allemagne et la République tchèque où se trouve le
" triangle noir +, de même que la Slovaquie et
l'Ukraine, seront parmi les principaux pays bénéficiaires de la
mise en oeuvre de ce protocole. En Europe de l'Ouest, le
Royaume-Uni tirera les plus grands bénéfices de celle-ci, mais
des économies considérables pourront également être
réalisées en Italie, en France et dans la partie occidentale de
l'Allemagne (voir tableau).
___________________
1Economic
Evaluation of Air Pollution Damage to Materials. Actes de
l'Atelier de la CEE-ONU sur l'évaluation économique de la
réduction de la pollution atmosphérique et des dommages causés
aux bâtiments, y compris aux monuments culturels, publiés
par l'Agence suédoise de protection de l'environnement.
Mise en oeuvre du nouveau
Protocole sur le soufre:
estimation des économies
annuelles réalisables grâce à la diminution
des dommages causés aux
bâtiments
(millions de dollars par an)
|
Zones rurales |
Zones urbaines |
Total |
Europe de
l'Est |
2 101 |
3 683 |
5 785 |
Europe de
l'Ouest |
730 |
2 988 |
3 719 |
Total
Europe |
2 832 |
6 672 |
9 504 |
Le nouveau Protocole à la Convention de la
CEE-ONU sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue
distance demande 16 ratifications pour être mis en oeuvre. A
l'heure actuelle, il a déjà été ratifié par dix pays, six
autres ont indiqué leur volonté de le ratifier dans un proche
avenir. Le Protocole relatif à une nouvelle réduction des
émissions de soufre devrait ainsi entrer en vigueur dès le
début de 1998.
Dans l'entretien en annexe à ce communiqué,
M. Vladimir Kucera, président du Programme international
concerté relatif aux effets de la pollution atmosphérique sur
les matériaux de la CEE-ONU et directeur de la recherche auprès
de l'Institut suédois de la corrosion, explique où et comment
ces économies vont être réalisées.
Comment économiser 9,5
milliards de dollars par an
en protégeant l'environnement
Entretien avec M. Vladimir
Kucera, président du Programme international concerté
relatif aux effets de la
pollution atmosphérique sur les matériaux
de la CEE-ONU et directeur
de la recherche
auprès de l'Institut
suédois de la corrosion
Comment économiser 9,5
milliards de dollars?
La réponse est simple et directe: il suffit de
mettre en oeuvre le nouveau Protocole relatif à une nouvelle
réduction des émissions de soufre. En fait, sur la base de la
connaissance que nous avons pu acquérir ces dernières années
sur les dommages causés par les émissions de SO2 aux
bâtiments et, plus généralement, aux matériaux de
construction, nous avons pu calculer que si nous atteignons les
buts fixés par ce nouveau protocole, c'est-à-dire une
réduction de 60% de ces émissions pour l'an 2010, c'est
9,5 milliards que les seuls pays européens économiseraient
en évitant de nombreux phénomènes de corrosion.
Quels types de matériaux de construction
ont été pris en compte dans vos calculs?
Essentiellement ceux des bâtiments, des ponts
et tous les autres éléments d'infrastructure qui fonctionnent
avec de l'acier galvanisé, des surfaces peintes, les toitures et
les matériaux composant les façades tels que le cuivre, les
tuiles, etc. Le béton n'est pour l'instant pas pris en compte,
mais nous comptons bien le faire dans un avenir proche. Ces 9,5
milliards de dollars représentent l'économie qui serait
réalisée chaque année si ce nouveau protocole était mis en
oeuvre.
Comment êtes-vous parvenus à un tel
chiffre?
Le programme international concerté relatif
aux effets de la pollution atmosphérique sur les matériaux de
la Convention de la CEE-ONU sur la pollution atmosphérique
transfrontière à longue distance évalue les effets physiques
de la pollution atmosphérique. Des relevés sont effectués par
plus de 30 stations de surveillance disséminées à travers la
région en Europe de l'Ouest et de l'Est, mais aussi au Canada et
aux Etats-Unis. Le programme PIC-Matériaux comporte aussi des
laboratoires qui fabriquent les matériaux à tester. Ces
matériaux sont envoyés aux stations de surveillance qui les
exposent à l'air et mesurent la pollution qui les affecte. Les
matériaux testés leur sont renvoyés après une période de 1,
2, 4 et 8 années. Les laboratoires évaluent alors les effets
des dépôts acides. Sur cette base, le volume des matériaux
soumis à la corrosion est évalué ainsi que le niveau de
corrosion auxquels ils sont soumis. Ces évaluations sont
utilisées pour calculer les coûts liés à cette pollution,
c'est-à-dire à la réparation de dégâts ou à la diminution
de la longévité des différents matériaux de construction. Le
problème est beaucoup plus compliqué lorsqu'il s'agit des
monuments historiques. Ces monuments ont une valeur culturelle
inestimable dont le prix ne peut être calculé. Cependant, il
est très important de tenir compte des atteintes portées à ces
monuments dans l'évaluation des coûts. Une façon de le faire
est de demander aux gens quelle somme d'argent ils seraient
prêts à verser pour éviter que tel ou tel monument ne soit
détérioré.
Ces 9,5 milliards ne représentent que les
économies sur les bâtiments, mais qu'en est-il des autres
économies que ce nouveau protocole permettrait ?
C'est exact! Ce nouveau protocole devrait
permettre de réaliser de nombreuses autres économies. Il ne
faut pas, par exemple, oublier que le SO2 provoque de
la pollution à l'intérieur des bâtiments. Ainsi, bien souvent,
lorsqu'un ordinateur tombe en panne, personne ne se soucie de
savoir pourquoi. La pièce défectueuse est simplement
remplacée. Mais si vous regardez avec attention ce qui s'est
passé, vous pouvez constater que la panne est peut-être due à
la corrosion liée à la pollution atmosphérique. La pollution
atmosphérique a de nombreux autres effets. Dans les églises,
par exemple, elle a un effet catastrophique sur les vitraux
médiévaux. La fine couche d'acide qui s'accumule sur la surface
de ces vitraux provoque une réaction chimique qui détruit les
couleurs et provoque une perte de transparence.
Sous quelle forme la pollution en terme de
SO2 entre-t-elle dans les bâtiments?
Sous forme de gaz ou de particules
microscopiques qui se comportent comme des gaz. La plupart de ces
particules proviennent de la combustion: chauffage ou production
d'énergie et, dans une moindre mesure, des voitures. Toutes ces
sources émettent du SO2, qui est transporté dans
l'atmosphère et se transforme en particules de sulfate.
N'y-a-t-il pas une tendance à utiliser des
matériaux moins sensibles à la corrosion plutôt que de lutter
contre la pollution?
Oui, bien sûr! Mais, dans bien des cas, c'est
un processus beaucoup plus coûteux. Et il ne résout pas le
problème de la pollution.
Un aspect dont on parle peu, c'est ce qu'il
advient des matériaux une fois qu'ils sont corrodés?
Lorsqu'ils sont corrodés, certains de ces
matériaux dégagent du métal qui, en général, finit dans les
égouts ou dans les boues résiduelles. Si ces boues, qui sont
utilisées comme engrais, contiennent trop de métal, tel le
plomb ou le cadmium, en raison de la corrosion due au SO2,
elles ne peuvent pas être épandues dans les champs. C'est là
un coût secondaire de la pollution, parce que ces boues doivent
être stockées et détruites pour éviter une pollution des sols
à long terme.
Quelle est la proportion de la corrosion qui
est due à la pollution émise localement et celle qui est
importée?
En Suède, nous avons tendance à dire que ce
sont les autres pays qui polluent notre environnement avec leurs
émissions de SO2. Mais cette pollution importée est
distribuée à travers tout le pays. Si nous regardons
attentivement les cartes des dépôts de SO2, nous
pouvons immédiatement constater que les villes ont un niveau de
dépôts plus élevé que le reste du pays. En d'autres termes,
une partie de la pollution est importée - plus particulièrement
les pluies acides - mais le reste est produit localement. C'est
pourquoi en diminuant vos émissions de SO2, vous
diminuez non seulement la pollution locale mais aussi la
pollution que vous exportez vers d'autres pays. Vous réduisez
les dégâts provoqués tant localement qu'à l'étranger.
Quelles sont les mesures suggérées par le
nouveau Protocole et combien vont-elles coûter?
Le Protocole demande un effort tout particulier
de la part des centrales électriques. Elles devront devenir
moins polluantes grâce à l'utilisation de meilleures techniques
et de combustibles moins polluants. En ce qui concerne les coûts
de la mise en oeuvre de ce protocole, les estimations montrent
que les économies de 9,5 milliards de dollars par an permettront
de les couvrir. En d'autres termes, en dépensant uniquement
l'épargne réalisée sur la corrosion, c'est-à-dire sans tenir
compte des autres types d'économies, la pollution pourrait être
diminuée d'une façon substantielle. De plus, il y aurait
d'autres économies, très importantes, qui seraient réalisées
dans les dépenses liées à la santé, l'agriculture et
l'environnement dans son ensemble.
D'après vos calculs, 5,8 milliards de
dollars pourraient être ainsi économisés dans les pays
d'Europe de l'Est et 3,7 milliards en Europe de l'Ouest par la
mise en oeuvre de ce nouveau protocole. Ne serait-il pas moins
coûteux d'aider les pays d'Europe de l'Est à résoudre leurs
problèmes?
Bien sûr! Si ces pays reçoivent une
assistance, tout le monde bénéficiera de ses effets. Pour la
Suède, par exemple, il serait plus efficace d'investir en
Pologne pour réduire la pollution que de le faire dans notre
propre pays.